"Le jour viendra où les personnes comme moi regarderont le meurtre des animaux comme ils regardent aujourd'hui le meurtre des êtres humains". Leonard de Vinci
Sus scrofa domesticus ou plus communément connu sous le nom de « porc » ou bien « cochon domestique » est aujourd’hui l’une des viandes les plus consommées en France : par an, 25 millions de porcs sont élevés et abattus.
Le consommateur, dans sa course effrénée vers des coûts toujours plus bas, en oublie la signification réelle du prix marqué sur la petite étiquette blanche, en apparence innocente, collée en bas de chaque produit. Comment peut-on passer d’un prix de jambon blanc de 30€/kg à 9€/kg chez certaines grandes surfaces ? Cette différence de prix a un coût : le bénéficiaire est le consommateur, le cochon en est la victime.
Le cochon n’a jamais joui d’une belle image, les expressions françaises sont péjoratives avec l'emploi de termes dégradants : « Être sale comme un cochon », « Donner de la confiture aux cochons », « Avoir un caractère de cochon », « Manger comme un cochon ». Il est perçu comme un animal sale, peu commode, vulgaire même. Il est le symbole de la puanteur, de la voracité confortant l’homme dans l’idée qu’il ne vit et ne peut vivre que dans une seule et unique utilité alimentaire.
Cependant, les études éthologiques faites récemment sur les cochons démontrent qu’il n’est nullement l’animal insensible, antipathique, asocial et dénué d’intelligence que l’on pourrait croire. Effectivement, une étude menée à Vienne dans l’institut de recherche Messerli a analysé le comportement de chiens et de cochons et a notamment évalué leur capacité à distinguer chez une personne l’expression de la tristesse, de la gaité ou de la colère.
Il s’est avéré que les cochons savent parfaitement reconnaître ces émotions, qu’ils sont capables d’empathie envers les hommes et qu’ils savent se comporter comme de véritables animaux de compagnie.
Dans ce domaine, George Orwell était un précurseur, il avait déjà prêté des qualités intellectuelles et humaines aux cochons dans son roman « La Ferme des Animaux », une satire des régimes totalitaires, paru en 1945. Les principaux protagonistes et penseurs à l’origine de la rébellion sont « Boule de Neige » et « Napoléon » incarnés par des cochons. Ils veulent abolir l’exploitation animale par l’homme au regard de la noirceur de leur existence : « nous avons une vie de labeur, une vie de misère, une vie trop brève. (…) Et dans l’instant que nous cessons d’être utiles, voici qu’on nous égorge avec une cruauté inqualifiable. » L’auteur y dénonçait déjà l’hostilité de l’homme envers ces animaux, il y est décrit comme étant « la seule créature qui consomme sans produire ». C’est l’ensemble du système qui y est remis en cause : « Nul animal ne tuera un autre animal. Tous les animaux sont égaux. »
Malheureusement la tendance agricole est à l’intensification : « produire plus pour gagner plus ». On tend alors de plus en plus vers des systèmes d’exploitation intensive.
La responsable semble bien être la mondialisation qui incite à la production de masse, à l’uniformisation des produits et à une consommation démesurée, irréfléchie et destructrice non seulement pour les animaux mais aussi pour la planète. Rousseau prédisait déjà au XVIIIème siècle que « le progrès technologique ne permettra pas le progrès moral. »
La condition et le bien-être des porcs se sont vus bafoués au profit de la productivité et de la rentabilité des exploitations intensives. Ces dernières se doivent d’être de plus en plus grandes, afin d’être suffisamment compétitives et de produire un nombre adéquats de porcs par an afin de satisfaire la demande croissante du marché.
Cela passe par l’amélioration de ce que l’on appelle les « indices productifs » tels que l’intervalle mise-bas/mise-bas, la durée de la lactation, l’indice de conversion, le gain moyen quotidien… Ces indices reflètent la capacité productive de l’exploitation et le rendement obtenu par animal.
L’animal, depuis sa naissance jusqu’à son abattage, se retrouve enfermé dans ces structures hostiles, sans voir la lumière du jour, entassé avec ses congénères, ou isolé dans des cages si étroites qu’il lui est impossible de se retourner, l’obligeant ainsi à rester en permanence dans la même position.
Moi-même je n’imaginais point les conditions d’exploitation de ces cochons avant d’aller visiter et voir, de mes propres yeux, ce à quoi ressemblait réellement un élevage intensif. Je fus horrifiée par la chaleur cuisante des salles, la crasse stagnante au sol, la poussière incrustée sur les rares fenêtres empêchant la lumière du jour de percer, les cris stridents des porcelets, l’humidité et l’odeur étouffantes de l’air.
Les cochons y restent le temps qu’ils soient productifs et rentables. Ils mènent une vie brève, courte, dans la souffrance morale et physique. Ils ne sont aucunement considérés comme « un être vivant doué de sensibilité », ils sont traités par lots, marqués et identifiés par un simple numéro.
Devrions-nous alors revoir les préjugés que nous portons sur ces bêtes ? Devrions-nous changer du tout au tout notre manière de penser, de consommer ? Les nouvelles tendances alimentaires, telles que le végétarisme, le végétalisme, le véganisme, représentent-elles seulement un autre phénomène de mode ou sont-elles nées d’une réelle prise de conscience de la part du consommateur ?
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